Glossaire

« Utiliser le bon mot, la bonne notion, le bon concept, avec la définition la plus couramment acceptée, ou mieux avec la définition la mieux acceptée et comprise relève parfois de l’exploit, … »
                                                     
 Patrick Triplet.

> Par cette citation, je souhaite rendre un vibrant hommage au travail de Titan réalisé sur plus de dix ans par ce biologiste, docteur en écologie dont l’ouvrage Dictionnaire encyclopédique de la diversité biologique et de la conservation de la nature constitue la source de très nombreuses définitions présentes dans ce glossaire. Utiliser un langage dont les mots recouvrent des concepts clairement définis permet à chacun d’aborder et de comprendre des domaines qui ne sont pas forcément de sa compétence.

> Ce glossaire qui regroupe plus de 6 000 définitions accompagnées de leur traduction anglaise est là pour vous y aider. Il couvre les domaines complémentaires que sont la Géographie, l’Écologie et l’Économie, sans oublier de faire un petit détour par la Finance qui régit dans l’ombre une bonne part de notre existence.

> Par lui-même, de définition en définition, ce glossaire vous invite à explorer l’univers riche de la conservation des milieux naturels, d’en comprendre les mécanismes et les enjeux.

À toutes et tous, nous souhaitons : “Excellente lecture et bon voyage”.

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Terme Définition
Agri-environnement

Mode d’organisation de l’espace dans lequel il est tenté d’associer le développement agricole et la conservation de l’environnement.
Équivalent étranger : Agri-environment.

Agriculture biologique

Mode d'agriculture qui se caractérise principalement par la non-utilisation de produits chimiques et qui cherche à renouer avec des pratiques traditionnelles comme la jachère. Le terme est apparu vers 1950, avec pour finalité d'être employé en opposition au système de production agricole fondé sur l'usage de produits de synthèse. Les produits issus de cette agriculture sont généralement labellisés. Cette agriculture est cependant soumise à l'impact des cultures conventionnelles proches et le risque de trouver des produits chimiques dans les terres d'agriculture biologique n'est pas égal à zéro.
Équivalent étranger : Organic farming, organic agriculture.

Agriculture durable

L'agriculture durable (également appelée agriculture soutenable) est l'application à l'agriculture des principes du développement durable. Il s'agit d'assurer la production de nourriture, de bois et de fibres en respectant les limites écologiques, économiques et sociales qui assurent la durabilité de cette production. Elle ne doit donc pas porter atteinte à l'intégrité des personnes et des êtres vivants. L'agriculture durable limite l'usage de pesticides qui peuvent nuire à la santé des agriculteurs et des consommateurs et tient compte de la protection de la biodiversité.
Équivalent étranger : Sustainable agriculture.

Agriculture extensive

Système de production agricole qui ne cherche pas à maximiser la productivité du sol et qui se caractérise par des rendements à l'hectare peu élevés. Les ressources naturellement présentes sont préférées aux intrants chimiques. l'utilisation moindre d'engrais et de pesticides diminue le risque de pénétration des nutriments et des pesticides dans les eaux de surface et la nappe phréatique. Ce mode d'agriculture est pratiqué là où les conditions climatiques et naturelles sont défavorables, là où il y a une faible maîtrise du territoire, là où il manque des moyens financiers et/ou de la main d'œuvre, là où les traditions d'une communauté sont très fortes (agriculture itinérante) ou là où il existe une volonté d'agir ainsi. Considérée comme plus durable, cette agriculture permet souvent une certification « Agriculture biologique » quand elle est accompagnée de la non-utilisation d'intrants chimiques.
Équivalent étranger : Extensive agriculture.

Agriculture intensive

Système de production agricole caractérisé par l'usage important d'intrants (engrais, traitements divers), et cherchant à maximiser la production par unité de surface par rapport aux facteurs de production, qu'il s'agisse de la main-d'œuvre, du sol ou des autres moyens de production (matériel, intrants divers). Elle est parfois également appelée agriculture productiviste.
Équivalent étranger : Intensive agriculture.

Agriculture itinérante

Système de culture dans lequel une parcelle de terre est nettoyée et cultivée pendant une courte période de temps, puis abandonnée pendant un certain laps de temps, afin de permettre à la végétation naturelle de s'y réinstaller, et au sol de retrouver sa fertilité, tandis que l'agriculteur utilise une autre parcelle. Elle est caractéristique de certains pays en voie de développement où les terres ne sont pas partout cadastrées et privatisées.
Équivalent étranger : Shifting agriculture.

Agriculture raisonnée

Système de production agricole dont l'objectif premier est d'optimiser le résultat économique en maitrisant les quantités d'intrants, et notamment les substances chimiques (pesticides, engrais) dans le but de limiter leur impact sur l'environnement. Elle vise à adapter les apports en tenant compte des éléments présents dans le sol et du rendement potentiel de la plante.
Équivalent étranger : Integrated farm management.

Agriculture régénératrice

♦ Fait référence à des pratiques agricoles qui régénèrent les sols, les ressources naturelles, les paysages et les écosystèmes. Le terme « régénératrice » a été associé avec agriculture depuis la fin des années 1970, mais le terme agriculture régénératrice n’est réellement apparu qu’au début des années 1980. Robert RODALE (1983) la définit comme l’agriculture qui, à des niveaux croissants de productivité, augmente la base biologique des terres et des sols. Elle dispose d’un grand niveau intrinsèque de stabilité économique et biologique et a un impact minimum, voire pas d’impact sur l’environnement au-delà de l’exploitation agricole ou du champ. Elle produit donc des denrées alimentaires sans biocides.

HARWOOD (1983) a défini la philosopie de l’agriculture régénératrice en dix points :

  1. Elle doit produire des aliments hautement nutritifs, exempts de biocides, à des rendements élevés.
  2. Elle doit augmenter plutôt que diminuer la productivité du sol, en augmentant la profondeur, la fertilité et les caractéristiques physiques des couches supérieures du sol.
  3. Les systèmes de flux de nutriments qui intègrent totalement la flore et la faune du sol sont les plus efficaces et les moins destructeurs de l’environnement, et assurent une meilleure nutrition des cultures. De tels systèmes créent un nouveau flux ascendant de nutriments dans le profil du sol, réduisant ou éliminant les impacts environnementaux défavorables. Un tel processus est, par définition, un processus de création du sol.
  4. Une production de culture devrait être fondée sur des interactions pour la stabilité, en éliminant le besoin en biocides synthétiques, tels que les engrais. 
  5. Les substances qui perturbent la structuration biologique d’un système agricole, tels que les engrais, ne devraient pas être utilisés.
  6. L’agriculture régénératrice requiert, dans sa structuration biologigue, une relation intime entre le gestionnaire, les participants au système et le système en lui-même.
  7. Les systèmes intégrés qui sont fortement autonomes en azote grâce à la fixation d’azote biologique devraient être utilisés.
  8. Les animaux d’élevage devraient être nourris et logés de manière à exclure l’usage d’hormones et l'utilisation prophylactique d'antibiotiques qui seraient ensuite présents dans l'alimentation humaine.
  9. La production agricole doit générer un nombre croissant d’emplois.
  10. L’agriculture régénératrice requiert une planification au niveau national mais également un degré élevé d'autonomie locale et régionale pour permettre des flux de nutriments en boucle.

 SCHREEFEL et al. (2020) définissent l’agriculture régénératrice comme une approche agricole qui utilise la conservation du sol comme un point d’entrée pour régénérer et contribuer à des approvisionnements multiples et à la régulation et au support de services écosystémiques, avec l’objectif que cela va améliorer non seulement l’environnement mais également les dimensions sociales et économiques d’une production alimentaire durable.

Pour certains auteurs, l’utilisation judicieuse de produits chimiques peut entrer dans ce type d’agriculture. Cependant, les deux problèmes principaux liés fréquemment à l’agriculture régénératrice sont i) la restauration de la santé du sol, incluant la fixation du carbone et l’atténuation du changement climatique et ii) le renversement de la perte de biodiversité.

Il existe quelques principes reconnus dans toutes les définitions :

  1. Abandon du labour ou reconstitution des communautés du sol après un labour ;
  2. Élimination des événements spatiaux et temporels du sol nu ;
  3. Renforcement de la diversité végétale dans l’exploitation ;
  4. Intégration du bétail et des opérations liés à l’exploitation.

Agriculture régénératrice

♦ Équivalent étranger : Regenerative agriculture.

Agriculturisation de la forêt

Ensemble de techniques développées par l'agriculture à courte révolution et utilisée pour la sylviculture à longue révolution.
Équivalent étranger : Forest agriculture.

Agro(éco)système

♦ Écosystème modifié, contrôlé et dédié à l’agriculture (cultures, élevage, échanges de produits...). Les agroécosystèmes sont des écosystèmes totalement artificiels où le temps de renouvellement de la biomasse est extrêmement court. De leur gestion dépendent de nombreuses espèces végétales et animales. Leur diversité biologique, sans être aussi importante que dans les écosystèmes naturels, mérite l’attention.
♦ Équivalent étranger : Agro(eco)system.

Agro(éco)systèmes

Écosystème modifié, contrôlé et dédié à l'agriculture (cultures, élevage, échanges de produits...). Ce sont des écosystèmes totalement artificiels où le temps de renouvellement de la biomasse est extrêmement court. De leur gestion dépendent de nombreuses espèces végétales et animales et la diversité biologique, sans être aussi importante que dans les écosystèmes naturels, mérite une attention.
Équivalent étranger : Agro(eco)systems.

Agrobiodiversité, biodiversité agricole

Variété et variabilité des organismes animaux, végétaux et microbiens sur Terre qui sont importants pour la production de nourriture et dans l’agriculture. L’agrobiodiversité est un sous-secteur de la biodiversité car elle permet la sécurité alimentaire et comprend toutes les espèces utilisées directement ou indirectement pour l’alimentation humaine, les ressources alimentaires pour les animaux domestiques, la provision de matières premières essentielles et les services tels que des fibres, des engrais, des combustibles et des produits pharmaceutiques.
Elle inclut des variétés de plantes fourragères et d’arbres, des espèces animales tels que des poissons, des mollusques, des oiseaux et des insectes, et des champignons, levures et micro-organismes tels que les algues et certaines bactéries qui se développent sur des surfaces cultivées. Une distinction doit donc être faite entre la biodiversité utilisée dans l’agriculture et la diversité des espèces vivant dans les systèmes agricoles ou dans les paysages dominés par l’agriculture.
Au niveau spécifique, la première est plus basse que celle des écosystèmes naturels équivalents, mais la variation intraspécifique (races, variétés…) est généralement plus élevée. La diversité des espèces dans les systèmes agricoles est souvent plus basse qu’elle devrait l’être comme remplacement des écosystèmes naturels. Cependant, de nombreux systèmes agricoles, notamment ceux à faibles intrants, jouent un rôle important dans le maintien de la biodiversité, en plus de celle qui est directement utilisée dans l’agriculture.
La biodiversité agricole a une relation complexe avec la technologie, le commerce, la pression humaine et le développement économique. Ceci conduit au développement de nouvelles variétés et donc à une augmentation de la biodiversité par des modes de production traditionnels et par de nouvelles technologies, fondées notamment sur la génétique, mais cette biodiversité agricole tend aussi à interagir négativement sur la biodiversité naturelle.
Équivalent étranger : Agricultural biodiversity.

Agrobiotechnologie

Recherche et développement de produits agricoles tels que les semences ou les produits de protection des récoltes, par modification des gènes conférant des propriétés telles que la résistance aux parasites ou l'amélioration des profils nutritionnels.
Équivalent étranger : Agrobiotechnology.

Agroécologie

Démarche scientifique relative aux phénomènes biologiques qui combine développement agricole et protection/régénération de l’environnement naturel. Elle est à la base d’un système global de gestion d’une agriculture multifonctionnelle et durable, qui valorise les agroécosystèmes, optimise la production et minimise les intrants. Elle cherche à résoudre des problématiques environnementales telles que le stockage et le traitement des fumiers, la conservation des sols et la gestion des fertilisants, des pesticides et de l’eau et vise à mettre en place des systèmes de production agricoles capables de s’auto-entretenir avec très peu d’apport extérieur. L’agroécologie est donc la manière de reconcevoir des systèmes alimentaires, de la ferme à l’assiette, pour atteindre une durabilité écologique, économique et sociale. Le champ de l‘agroécologie n’est pas seulement l’agroécosystème mais bien l’ensemble des systèmes alimentaires. Autrement dit, il englobe à la fois la production agricole, la transformation, la distribution et la consommation alimentaire.

> Le concept de transition agroécologique est présent dans la réflexion scientifique Nord-américaine bien avant 2012 et se définit par cinq niveaux (cf. tableau).

                                    Niveaux de transition agro-écologique
            (d’après Gliessman, 2010 et 2016, adapté par Philippe Cousinié)

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            Niveaux                  Échelle                    Stratégie de transition agroécologique ──────────────────────────────────────────────────────
  1      Efficience            Exploitation            Améliorer l’efficience des pratiques
                                                                                 conventionnelles pour réduire l’utilisation des
                                                                                 intrants en agriculture et en élevage.
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  2    Substitution          Exploitation           Substituer les pratiques et les intrants
                                                                                  conventionnels par des pratiques alternatives.
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  3     Reconception       Exploitation,        Reconcevoir les agroécosystèmes sur la base
                                               Régionale             de processus écologiques.
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  4     Durabilité des            Locale,             Nouvelle culture et économie de la durabilité
            systèmes              Régionale,           avec une intégration aux systèmes alimentaires,
         alimentaires             Nationale            y compris à la consommation. ――――――――――――――――――――――――――――――――――――――
  5        Système                 Mondiale           Changement des systèmes de croissance,
      alimentaire global                                    de valeurs et d’éthique. durable
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> L’agroécologie se fonde également sur des principes éthiques (cf. tableau).

                    Principes éthiques et notions clés en agroécologie
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    Principes éthiques
         appliqués à                                                 Notions clés de l’agroécologie
       l’agroécologie
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   Responsabilité        Conservation des ressources naturelles (sol, air, eau), en prenant soin
                                          de la terre et de la vie, du respect de la biodiversité et de la nature.
                                          Application du principe de précaution (santé animale et humaine,
                                          emplois, bien-être humain et animal, culture du risque), triple
                                          durabilité, respect des savoirs locaux, équité sociale, viabilité
                                          économique, équité alimentaire (droit, souveraineté, sécurité).
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    Solidarité (ou          Solidarité transgénérationnelle, solidarité humaine et intellectuelle,
    coopération)           maximisation des services écosystémiques, mutualisation, partage
                                          d’expériences, entraide.
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   Autonomie et           Liberté d’action, souveraineté (alimentaire, technologique et
  liberté d’action         énergétique), efficience (environnementale, sociale et économique),
                                           résilience des agroécosystèmes, accès aux ressources, adaptabilité
                                           (changement climatique, pilotage dans l’incertitude).
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  Intelligence et         Conscientisation écologique, rapports homme-nature, complexité,
                                         conscience approche systémique et interdisciplinaire, posture éthique.
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     Gestion du            Enjeux locaux, ruralité, ressources locales (optimisation),
       territoire               transformations et consommations locales, terroir, esthétique
                                        environnementale en lien avec le paysage.
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Équivalent étranger : Agroecology .

Agroforesterie

Pratique agricole qui mélange arbres et cultures. Deux formes existent : la gestion d’arbres dans les parcelles agricoles et les cultures conduites sous couvert forestier.
> L’association française d’agroforesterie définit celle-ci selon douze principes :
  1. Diversité et complémentarité
Tout comme les écosystèmes naturels, les systèmes agricoles sont dépendants d’une biodiversité minimale afin d’optimiser la production et d’assurer leur pérennité face aux perturbations (maladies, espèces invasives, stress physiologiques…). Ce constat est d’autant plus valable dans un contexte de changement climatique avéré, où les extrêmes s’accentuent. L’agroforesterie, en multipliant les strates végétales, permet d’augmenter la diversité en termes d’espèces, d’habitats, de fonctions écologiques et d’occupation de l’espace, ceci afin d’améliorer la captation, la fixation et le recyclage des ressources.
   2. Comprendre le fonctionnement de la forêt
Les écosystèmes naturels font preuve d’une grande résilience dont il est urgent de s’inspirer pour la conduite des agroécosystèmes. En effet, la forêt (spontanée) crée en permanence de l’humus et de la fertilité là où l’agriculture conduit trop souvent à une dégradation des milieux. Le fonctionnement simplifié de la forêt est le suivant :
  - Ses intrants se limitent quasi exclusivement au carbone photosynthétisé, à l’azote de l’air fixé par les bactéries libres et aux minéraux issus de la dégradation de la roche-mère par les bactéries et les racines des arbres.
  - La production de biomasse est importante : en moyenne 10 tonnes de production primaire par hectare et par an (en matière sèche).
  - Le sol est toujours couvert : un système combinant diverses modalités d’occupation spatiales (strates) et temporelles (vitesses de développement, durée de vie) maximisent la captation des ressources (lumière, eau, nutriments), limitent les fuites (érosion, lixiviation) et nourrissent la vie du sol (exsudats, dégradation des radicelles, chute des feuilles, mort des plantes).
  - Le sol forestier n’est jamais travaillé, si ce n’est par bioturbation, et notamment par les vers de terre qui contribuent à la stabilité structurale et à la production d’humus.
  - Une forêt spontanée n’est jamais mono-spécifique, sa diversité spécifique et génétique offre une meilleure résistance aux maladies et rend possible son adaptation dans le temps.
  3. L’art de la transposition
L’agroforesterie tente de transposer à l’agriculture certains principes de fonctionnement valables dans la forêt, ou plutôt dans la savane. La savane est un milieu semi-ouvert qui maximise la captation d’énergie lumineuse via une complémentarité entre les strates herbacée, arbustive et arborée. Ce milieu est régulièrement soumis à des pressions écologiques (incendies, pâturage), qui l’empêchent d’évoluer vers la forêt. C’est le biome terrestre avec la plus forte productivité (végétale et animale) à l’hectare. La synergie de pratiques agricoles maximisant la couverture végétale des sols (agroforesterie intégrée au semis sous couvert) permet d’approcher une telle production de biomasse. Transposer, c’est d’abord comprendre, puis imiter, adapter et faire des choix qui permettront d’exprimer pleinement le potentiel des interactions entre arbres, cultures et animaux tout en rationalisant les opérations de production (semis, récolte, parcage…).
  4. Maximiser la photosynthèse
Imiter le fonctionnement de la forêt ou de la savane permet de faire du carbone issu de la photosynthèse l’intrant premier du système. C’est ce carbone qui, en retournant au sol tout au long du cycle de vie des végétaux, et après leur mort, nourrit les micro-organismes et crée (ou régénère) la fertilité du sol. Or, l’agriculture actuelle privilégie les sols nus en hiver et ramène trop peu de matière végétale au champ (les céréales sont courtes sur paille, et les résidus sont le plus souvent exportés). Soumis au chaud, au froid, au sec et à l’hydromorphie, les habitants du sol sont affamés. L’objectif premier des systèmes agroforestiers est de maximiser la production de biomasse dans l’espace et dans le temps afin de nourrir la vie du sol, seule garante d’un fonctionnement et d’une fertilité propices à la production.
  5. La lignine, cheville ouvrière des humus stables
Le bois mort qui revient au sol contient de la lignine et d’autres polyphénols qui permettent de stabiliser les acides humiques et de nourrir les champignons du sol. Ces champignons décomposeurs sont essentiels puisque ce sont en grande partie eux qui agrègent les particules de sol, le rendant plus résistant à l’érosion et au lessivage. Un sol sans champignons ne se tient pas, s’érode et s’écoule dans les rivières. La lignine est également à l’origine de chaînes trophiques importantes pour l’écologie du sol : plus la matière est récalcitrante à la dégradation, plus elle nourrit de monde.
  6. L’arbre tampon
L’arbre est un amortisseur climatique. En puisant et transpirant de l’eau depuis les couches profondes, il rafraîchit l’atmosphère en été, tandis que sa présence limite l’effet du vent, responsable d’importantes pertes d’eau par évaporation.
Face aux inquiétudes sur la concurrence hydrique entre arbres et les cultures annuelles, il faut se rappeler que le bosquet qui longe le champ, lui, ne manque quasiment jamais d’eau malgré une consommation conséquente. Ceci s’explique notamment par le fait que la réserve utile en eau du sol est avant tout biologique.
Au-delà ou en deçà d’une certaine température, les micro-organismes du sol sont moins actifs. Les sols insolés ou glacés – car insuffisamment couverts – se “stérilisent” et ne retiennent plus assez d’eau. Les animaux d’élevage, quant-à eux, perdent en milieu ouvert plus d’énergie à maintenir constante la température de leur corps. L’arbre est bien un outil d’optimisation hors pair pour produire, protéger, réguler le micro-climat comme le climat global. Disperser l’arbre dans nos paysages, c’est donc bénéficier de ses effets aujourd’hui et demain.
  7. Une vision agronomique avant tout
La réintroduction de l’arbre dans les paysages agricoles est l’aboutissement d’une réflexion agro-écologique globale et ne peut en aucun cas être présentée comme une solution isolée. Inutile, donc, de commencer à planter des arbres dans des sols soumis à des indices de perturbations trop importants. L’arbre tire sa force des champignons mycorhiziens avec lesquels il a co-évolué pour augmenter son accès à l’eau et aux ressources minérales. Le travail du sol entrave cette fonction écologique majeure en détruisant les filaments mycéliens et en déstructurant les horizons et agrégats. Il faut donc penser l’arbre comme un maillon dans une chaîne de réflexion plus large sur la couverture végétale des sols et le changement de pratiques agricoles.
  8. En agroforesterie, il n’y a pas de modèle
L’agroforesterie repose sur des principes universels, valables tous les contextes et tous les systèmes de production : maraichage, viticulture, grandes cultures, élevage… Chaque agriculteur invente, expérimente, adapte pour développer les pratiques adaptées à ses contraintes et préoccupations. L’arbre agroforestier répond aux critères de multi-fonctionnalité (il a plusieurs fonctions et plusieurs usages) et de multi-temporalité (il fournit des services et ressources à toutes les échelles de temps). Il convient de ne jamais se focaliser uniquement sur les arbres de haut jet à valorisation bois d’oeuvre. Si certains sols ne permettent pas la production de bois d’oeuvre, est-ce une raison pour en éradiquer les arbres ?
  9. La taille n’est pas un crime
L’arbre agroforestier, pour remplir les multiples fonctions qu’on attend de lui, est toujours taillé, que ce soit pour faire du bois d’oeuvre, du bois énergie, des fruits, du fourrage, etc. L’arbre « hors la forêt » a été depuis toujours façonné par la taille (y compris, parfois, celle du castor ou de la foudre), et l’arbre forestier, même non géré, perd chaque jour des branches, via un processus d’auto-élagage par compétition avec ses voisins. Un arbre taillé, mieux adapté aux impératifs techniques de l’agriculteur, enclenche plus vite sa réitération racinaire. Il laisse pénétrer assez de lumière pour permettre la pousse de la strate herbacée, produit plus de biomasse et vit plus longtemps. 10. Installer un arbre agroforestier En faire suffisamment, mais ne pas trop en faire. L’arbre champêtre ne se comporte pas comme l’arbre forestier. Il doit être protégé et géré. Ce n’est pas un sujet « naturel », implanté dans son biotope habituel, et dans ces conditions, il faut impérativement lui fournir le bon sol correctement travaillé, la bonne protection, le bon paillage, etc.. Malgré ces nécessités, il faut prendre garde à ne pas produire des arbres fainéants. Cela signifie qu’en aucun cas ils ne seront tuteurés, irrigués – sauf ultime nécessité – et qu’il s’agira de maintenir une couverture permanente à leur proximité pour les obliger à s’enraciner dans les horizons profonds du sol. C’est la garantie d’arbres qui seront à terme résistants au vent, aux engorgements saisonniers et à la sécheresse estivale.
  11. Assurer les bonnes connexions
De la ronce au chêne et du saule au lierre : il est primordial, pour le bon fonctionnement d’un système agroforestier, de connecter les habitats dans l’espace et le temps. Il faut donc veiller à mettre en lien les unités paysagères, mais également les phénologies afin d’assurer la continuité des ressources alimentaires disponibles pour la biodiversité et la faune sauvage tout au long de l’année. De même, le maintien d’arbres vieux, morts, creux ou même malades constituent à la fois une ressource, un refuge et un patrimoine de stockage de l’information pour la résilience du système.
  12. Faire chaque chose en son temps
Lorsqu’on débute en agroforesterie, il est nécessaire de dresser un ordre des priorités. Tout d’abord, bien gérer l’existant (haies, bosquets, ripisylves), puis protéger ce qui commence à pousser naturellement (régénération naturelle assistée), et ensuite, éventuellement, planter. Avant d’investir dans la plantation, il est essentiel de valoriser/pérenniser la ressource disponible. Ceci étant dit, il n’y a jamais trop d’arbres en agroforesterie, car on peut à tout moment décider d’en enlever : il y a plus de risque à ne pas planter qu’à planter trop !

Équivalent étranger : Agroforestry.