Le Bonobo, une espèce singulière

Chapitre 2 - Les bonobos dans leur biotope

Chapitre 2
 

Les bonobos dans leur biotope

Un biotope, c’est quoi ?

  •  Si on s’en tient à la définition générale du dictionnaire Larousse un biotope est un « lieu défini par des caractéristiques physicochimiques stables et abritant une communauté d'êtres vivants (ou biocénose). »
Plus prosaïquement, c’est un milieu de vie délimité géographiquement dans lequel les conditions écologiques (composition du sol, température, luminosité, humidité, etc.) sont homogènes, bien définies, et suffisent à l'épanouissement des êtres vivants qui y résident, la biocénose. L’ensemble de ces deux éléments compose un écosystème.

Biotope + Biocenose = Ecosystème 

Où vivent les bonobos ?

  • Jusque dans les année 1920, les scientifiques de l’époque pensaient qu’aucun grand singe ne vivait au sud du fleuve Congo. Ce fut la découverte d’un crâne dans la région de Lomako qui suscita leur curiosité et fut à l’origine de la découverte de cette « nouvelle  espèce. »
  • Au fil du temps, il a été possible de délimiter l’espace géographique englobant la population et, à partir des années 1970, d’y établir des centres d’observation dédiés à cet animal.

Ne sachant nager, l’habitat des bonobos est délimité par les obstacles naturels que constituent les fleuves et grandes rivières du bassin du Congo.

  • À l’Est, au nord et à l’ouest, la boucle formée par le fleuve Congo (ex-Zaïre)

  • Au Sud, la rivière Sankuru et la Kasaï dans laquelle elle se jette

  • Située sur l’équateur, cette région de 800 000 km² est couverte d’une forêt tropicale marécageuse dont les bonobos semblent n’occuper que le quart environ.

Cette forêt est de trois types :

  • le long des cours d’eau , dans les marécages, elle se compose d’arbres relativement bas, dont chacun soutient les autres, le sol étant mou et boueux.

  • la forêt primaire croît sur un terrain plus ferme ; il y fait beaucoup plus sombre, parce que les arbres y sont de plus en plus haut - certains atteignant 50 mètres - et plus denses ; le sous-bois est relativement pauvre en raison du manque de lumière. Mais, là où elle parvient, d’épaisses touffes d’herbes croissent.

  • la forêt secondaire est celle qui se reconstitue après qu’une clairière dégagée par l’homme ait été abandonnée ; la nature y reprend ses droits sans toutefois atteindre la densité de la forêt primaire ni même sa biodiversité.

Les bonobos se déplacent dans ces trois espaces, donnant leur préférence à la forêt primaire, leur habitat naturel où la diversité botanique est plus élevée.

  •  Du fait de la grande timidité et de la discrétion des bonobos dans la nature, le programme d’observation monté par l’anthropologue Arthur HORN en 1972 fut un échec et abandonné au bout de deux ans. Mais d’autres projets débutés peu de temps après furent plus productifs et sont encore pérennes, entre autres :

  • à Wamba, en 1973 Takayoshi KANO (surnommé l’Homme à la volonté de fer) assisté de Suehisha KURODA pratique la technique d’habituation - méthode couramment employée par les primatologues japonais à cette époque - qui consiste à assurer l’approvisionnement de la communauté de bonobos en nourriture grâce à une plantation de canne à sucre située à proximité de leur territoire afin de faciliter les rencontres ; cela permet d’identifier chacun d’eux et de mieux comprendre les interférences entre individus et leur évolution dans le temps

  • à Lomako, en 1974 par Alison et Noel BADRIAN, les chercheurs observent les groupes dans leurs déplacements et leur recherche de nourriture sans interférer avec eux.

Ces deux démarches ont permis de colliger de nombreuses observations qui, corroborées aux données obtenues sur les individus étudiés en captivité, ont  en un demi-siècle considérablement enrichi les connaissances à leur sujet.

  • Plus récemment, dans les années 2000, grâce au signalement par la population locale de la présence de groupes importants de bonobos évoluant dans une mosaîque de forêt et de savane près de Bolobo, à 300 km de la capitale, les scientifiques ont pu de façon inattendue acquérir de nouvelles données sur l'espèce dans cet autre type de milieu naturel. Là, grâce à des pisteurs, l'habituation progressive des groupes de primates à la présence neutre de l'homme permet une observation rapprochée (jusqu'à une dizaine de mètres). La Concession Forestière des Communautés Locales de la Rivère Mbali est à ce jour, l'un des plus accessibles sites d'observation.

Une vie communautaire

  •  De fait, les bonobos ont su évoluer dans cette forêt tropicale où la nourriture est abondante et s’organiser pour se défendre des prédateurs. Essentiellement arboricoles, ils s’y déplacent en groupes avec aisance, passant beaucoup de temps dans la partie supérieure, très dense de la forêt, et descendent rarement spontanément sur la terre.
  • Grégaires, ils forment des communautés comptant de 30 à plus de 100 individus, et  leur bassin de vie s’étend sur 20 à 60 km². Elles fonctionnent selon le schéma « fission-fusion »

  • Dans la journée, les bonobos partent en groupes de 6 à 15 individus explorer leur territoire à la recherche de nourriture. Les femelles et leur(s) petits constituent la partie fixe de chaque groupe, alors que les mâles ont tendance à suivre les femelles d’âge mûr.

  • À la tombée de la nuit, chaque communauté se rassemble et tresse les branches en haut des arbres afin d’y construire une plateforme confortable pour y passer la nuit - leur « nid » - et se tenir à l’abri des prédateurs.

Que mangent les bonobos ?

  • Les bonobos se nourrissent surtout de fruits mûrs dont le poids peut aller de celui d’une figue à des masses plus imposantes : 10 kg pour celui de l’Anonidium, voire 30 kg pour le Trecuilia qu’ils partagent. Ils mangent également des herbes et des racines et lavent parfois leur nourriture dans des ruisseaux.
  • Ce régime est complété par l’ingestion d’invertébrés tels que des chenilles qu’ils trouvent parfois en abondance sur les Botuna et de vers de terre ou d’oeufs.

Dans de rares cas, on les a observés en train de manger des chauves-souris, des écureuils volants et même des jeunes duik (petites antilopes). L’analyse d’échantillons fécaux montrent que ces derniers n’entre que pour 1 % dans leur régime alimentaire.

  •  La chair des plantes appelées pas les spécialistes VHT, “végétation herbacée terrestre”, hormis le fait d’être “incroyablement délicieuses” selon Takayoshi KANO, a un contenu protéique élevé qui pourrait expliquer l’absence de dépendance en protéines animales observée chez les bonobos.

Le bonobo jardinier

  • Les primates frugivores sont connus pour être parmi les disperseurs de graines les plus importants pour de nombreuses plantes des forêts tropicales.
    En ce qui concerne les bonobos et son régime alimentaire spécifique, on a pu identifier plus de 91 espèces de plantes dont les graines ont été dispersées à une distance moyenne de 1,2 km de l'arbre-parent.
  • Les graines passées par le tube digestif des bonobos germent plus rapidement, à des taux plus élevés et avec une plus grande survie post-dispersion que les graines qui ne le sont pas. Les scientifiques estime que l'influence de cette espèce dans le réseau écologique touche 40 % des espèces d’arbres et 65 % des arbres à titre individuel.
    À ce titre, ils classifient le bonobo comme probable jardinier de la forêt du Congo.

La forêt en danger

  • Parmi les périls qui menacent les bonobos, la destruction de leur habitat en est un. Estimée en 2010 à 152 millions d’hectares, la forêt tropicale de la République démocratique du Congo, deuxième en termes de superficie boisée au monde après celle du Brésil, perd environ 500 000 hectares chaque année. Par simple calcul on estime que 500 000 km² ont disparu entre 2000 et 2010, superficie qui a valu au Congo une place de choix dans le top 10 des pays les plus touchés par la déforestation.
  • Mais une autre menace se profile à l’horizon, celle de l’exploitation des richesses du sous-sol dont notamment celle des hydrocarbures qui vient d’être remise à l’ordre du jour dans cette région.