Le Bonobo, une espèce singulière

Chapitre 1 - Une espèce de primate à part entière

Depuis la nuit des temps, l'homme se plaît à dénommer ce qui l'entoure et à le classifier. Le règne animal n'y fait pas exception. Pour les espèces vivantes, la taxonomie remplit cette fonction et les zoologistes y contribuent naturellement.

C'est à Linné - naturaliste suédois - qu'on doit  la classification dite « classique » proposée dès 1735 où les espèces vivantes sont classées selon les ressemblances les plus visibles entre elles. Dans cette nomenclature, les espèces reçoivent un nom latinisé, constitué de deux termes (nomenclature binominale) et sont hiérarchisées en : genres, familles, ordres, classes, embranchements  et règnes.
Formalisée en 1950, une classification dite « phylogénétique » fondée sur la cladistique, méthode de reconstruction phylogénétique à partir du degré de proximité génétique, est venue remplacer en grande partie cette classification traditionnelle.

Chapitre 1
 

Une espèce de primate à part entière

Découverte d'une nouvelle espèce de grand singe

  • En 1929, grâce à l'étude d'une série de crânes conservés au Musée royal du Congo belge (actuellement Musée royal de l'Afrique centrale, à Tervuren en Belgique), l'anatomiste et zoologiste berlinois Ernst Schwarz découvre une nouvelle sous-espèce d'hominidés. Il la dénomme Pan satyrus paniscusa et lui donne une existence officielle dans un court article scientifique publié en allemand : « Das Vorkommen des Schimpansen auf den linken Kongo-Ufer », dans la Revue de zoologie et de botanique africaine du 1er avril 1929.
     
  • En 1933, c'est l'américain Harold Jefferson Coolidge qui, à l'issue d'un travail minutieux, suggère à son tour de considérer le «&nnsp;chimpanzé pygmée » comme une espèce à part entière. Il lui donne le nom définitivement adopté par les scientifiques : Pan paniscus.
Calssification taxonomique MSW de Pan paniscus / Bonobo
Pan paniscus alias Bonobo - Encylopedia Britanica

Credit - Encyclopedia Britanica

  • La dénomination commune de « Bonobo » adoptée pour le pan paniscus découle de la déformation de Bolobo, nom d'une ville de située sur les rives du fleuve Congo à 330 km de Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo. C'est ici, dans la province de Maï-Ndombe, que les premiers spécimens furent capturés dans les années 1920.

Phylogénie

La phylogénie est une science qui étudie les relations de parenté entre êtres vivants. Son propos est de répondre aux questions :

« Qui est l'ancêtre de qui ? »,
entre individus
(niveau généalogique)

« Qui est le plus proche parent de qui ? »
au niveau de groupes interféconds
(niveau intraspécifique)
ou entre espèces
(niveau interspécifique)

La phylogenèse permet de reconstituer l'évolution des organismes vivants. Les parentés sont schématisées par une arborescence : l'arbre phylogénétique.

Au fil du temps, les méthodes pour établir cette arborescence ont évolué. Comme la police scientifique, les spécialistes de la phylogénie ont maintenant recours à l'analyse de l'ADN afin de peaufiner leurs enquêtes. Se basant sur l'hypothèse que le taux moyen de mutations par période donnée est constant, il est possible d'établir une « horloge moléculaire » qui permet d'estimer la date de divergence entre deux lignées à partir des écarts entre leur ADN respectif.

À chaque division (ou noeud) correspond l'ancêtre commun des subdivisions qui suivent. Cela permet de visualiser le degré de parenté entre les individus, les groupes ou les taxons.
Plus il y a de nœuds et donc d'ancêtres intermédiaires entre deux êtres vivants, plus leur ancêtre commun est ancien et plus leur parenté actuelle est éloignée.

  • Le Bonobo fait partie de la famille des grands singes qui se caractérisent par rapport aux autres par :

   •  un poids et une taille plus importants (de 0,70 à 2,00 mètres) ;
   •  l'absence de queue ;
   •  des bras plus longs, plus mobiles et permettent la suspension (et pour certains la brachiation) ;
   •  un cerveau plus développé avec des capacités cognitives importantes ;
   •  et la fabrication d'un nid pour la nuit.

  • L'analyse génomique a permis de remettre certaines pendules à l'heure. Ainsi, une étude de l'ADN de l'homme et des chimpanzés publiée en mai 2006 dans la revue Nature rajeunit la séparation des 2 espèces qui ont 99% d'ADN en commun à 6 millions d'années.
  • Quant au Bonobo, seule espèce de grand singe qui manquait encore à l'appel dans ce domaine, le séquençage et l'analyse de son génome se sont achevés en 2012, grâce au concours d'Ulindi, une guenon du zoo de Leipzig (Allemagne). C'est une équipe internationale dirigée par les chercheurs de l'Institut Max Planck d'anthropologie évolutionnaire de Leipzig qui a réalisé ces recherches et publié les résultats dans la revue Nature. Dernière touche d'un projet qui a déjà permis de décoder tour à tour le génome de l'homme, du chimpanzé, de l'orang-outan et du gorille, leurs travaux permettent de mieux comprendre la place relative de chaque espèce.

Phylogénie des genres actuels d'hominidés

La divergence chimpanzés-bonobos

  • Grâce à « l'horloge moléculaire » et les 0,4 % de différence observé entre le génome du bonobo et celui du chimpanzé, les scientifiques estiment que la séparation serait survenue il y a un million d'années environ.

« Il semble que la séparation ait été très nette », explique Kay Prufer, l'un des chercheurs, lesquels n'ont pas trouvé d'indice significatif d'hybridation entre les 2 espèces depuis cette séparation.

Ces éléments tendent à confirmer l'hypothèse selon laquelle la formation du fleuve Congo, apparu il y a 2 millions d'années, pourrait être à l'origine de la séparation des 2 populations, le bonobo faisant son apparition et restant isolé au sud de la grande boucle de ce fleuve.

La divergence singes-hommes

  •   « En ce qui concerne les chimpanzés, les bonobos et les humains, l'ancêtre commun des trois vivait quelque part autour d'il y a 4 à 5 Ma », estime le Dr Prufer. La différence entre génome humain et génome simien (aussi bien chimpanzé que bonobo) est en effet de 1,3 %, ce qui indique une séparation plus ancienne entre hommes et chimpanzés qu'entre chimpanzé commun et bonobo.
Phylogénie des hominiens
  • À l'heure où la comparaison de données génétiques concernant le Bonobo, le Chimpanzé et l'Homme est possible, le caractère plutôt pacifique du Bonobo, agressif du chimpanzé et de l'Homme, capable du meilleur comme du pire, va peut-être trouver de nouveaux angles d'approche ?